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fin de roman

annonce la fin, la dernière heure, le dernier moment. Chaque coup du timbre résonne jusque dans les entrailles. On sent que quelque chose d’inexorable, d’inéluctable, de fatal va se produire.

Cette voix de l’horloge, Mme Frigon l’entendait souvent tinter alors qu’elle s’éveillait et, à chaque fois, elle était prise d’une terreur, d’un affolement sans nom, se demandant si sa sœur ne venait pas de mourir. Puis, elle entendait sa toux dans la chambre à côté. Alors, elle reprenait un peu de calme, sachant que le terme de cette existence était encore à venir.

Les derniers oiseaux migrateurs étaient partis, avaient cessé de survoler la campagne. Les arbres étaient nus et, après avoir jonché le sol de leurs feuilles mises en tas dans les jardins ou au bord du lac, elles brûlaient en répandant une odeur qui était comme le parfum de l’automne et qui soulevaient dans l’air de lentes volutes de fumée bleuâtre.

Et après avoir langui pendant des semaines et des jours, Simone s’éteignit et s’en alla au cimetière.

Mme Frigon était maintenant la seule survivante des quatre filles de la famille. Tour à tour, elle avait vu partir Lilliane, Estelle et Simone, toutes emportées par l’impitoyable tuberculose. Elle-même souffrait du même mal. Quand viendrait son tour ?

Quelque temps après la mort de Simone, il survint un incident à l’ermitage de M. Frigon. Intrigué de ce qu’il n’avait pas aperçu depuis quelque temps le vieux peintre qui occupait l’antique maison en bois qu’il réparait chaque année, le propriétaire s’avisa d’aller voir ce qui en était. En entrant dans la maison, il respira une forte odeur de corruption et de pourriture. Dans une chambre, il trouva le vieil homme étendu tout vêtu sur son lit. Il devait être