XXX.
ES rapports entre Raclor et sa famille entraient
dans une phase critique. Au fond, le mal venait
des commérages de la Scouine. C’était cela
qui avait peu à peu envenimé la situation. Raclor était
aigri et avait dans l’âme un violent désir de vengeance.
Il s’ingéniait à trouver ce qu’il pourrait
bien faire pour être désagréable à cette damnée
Scouine. Or, un soir, comme il descendait du champ,
il aperçut sa sœur en train de réparer la clôture à
claire-voie du jardin. Elle était là, posant quelques
planches avec de vieux clous, et tout de suite, Raclor
eut une idée. Il tenait sa vengeance. Ce terrain lui
appartenait. Jusque là, par bonté d’âme, il l’avait
laissé à ses parents, mais il affirmerait ses droits.
La Scouine qui voyait venir son frère, fit semblant de ne pas l’apercevoir. Celui-ci passa, puis s’arrêtant brusquement :
— C’est pas la peine de te donner tant d’misère, déclara-t-il. Je m’en va tout ôter ça demain.
Certain de son effet, il s’éloigna sans tourner la tête. Stupéfaite, la Scouine resta un moment immobile, inquiète, comme si elle avait mal entendu ou mal compris la menace enfermée dans ces paroles. Puis, envahie par la fureur, sa figure prit une expression de haine. Rageusement, elle se mit à taper sur les têtes des clous. Et les coups de marteau résonnaient lugubrement, ainsi que des glas, dans le soir froid d’automne.