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Page:Laberge - Peintres et écrivains d'hier et d'aujourd'hui, 1938.djvu/42

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de nobles chapelles où les âmes possédées par le sentiment du divin pourraient aller prier et s’inspirer.

J’ai, accroché au mur de ma bibliothèque, un pastel de Charles de Belle qui est l’une des œuvres les plus fortement senties qu’on puisse imaginer. Elle est intitulée Gethsémani. C’est l’image de Jésus dans le Jardin des Oliviers. Impossible de contempler ce tableau sans être profondément remué, sans avoir l’âme bouleversée par l’immense détresse qui se dégage de cette composition exécutée par un artiste dont l’esprit est pétri de mysticisme et illuminé par une foi ardente. Cette œuvre est d’une extrême simplicité. Un seul personnage : Jésus. Le peintre a supprimé toutes les figures inutiles, tous les accessoires. Les vieux oliviers du jardin, les disciples endormis, l’escouade de soldats venant arrêter le jeune thaumaturge, rien de tout cela. Seulement un homme ou plutôt un fantôme, car comment désigner autrement cette forme solitaire, à la tête penchée sur la poitrine qui va dans les ténèbres de la nuit ? L’on ne distingue pas la figure. L’on voit seulement une ombre pâle enveloppée d’une longue robe et dont la tête courbée comme par un découragement, un désespoir sans nom, s’affaisse comme une fleur fanée. C’est là une vision angoissante au possible, car ce corps qui fléchit, on le sent déjà en route vers le calvaire, on pressent ses chutes prochaines. Et dans cette tête si lourde, si lourde qu’elle semble devoir entraîner le corps vers le sol, il y a déjà la prescience de la trahison, du reniement, de la flagellation, du couronnement d’épines, du crucifiement et de l’agonie si douloureuse sur le Golgotha. Toute la Passion tient dans cette figure penchée du Christ qui, dans le Jardin des Oliviers connut toute l’effroyable angoisse humaine et que l’on croit entendre murmurer dans l’ombre : Mon père, éloignez de moi ce calice.

L’immense pitié qui est au cœur du Peintre-Poète a été exprimée à maintes reprises par ses visions de déshérités de la vie, de déchus, d’infortunés qui traînent de par le monde leurs malheurs et leurs misères. Voici l’un de ces tableaux que j’ai devant moi : Dans le soir gris et blême qui tombe sur la campagne, deux êtres, l’homme et la femme, sont arrêtés sur la route. Ils sont vieux, laids et miséreux. Ils ont