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UNE FEUILLE TOMBE


Un clair jour de juillet.

J’ai laissé la ville de bonne heure, ce matin, pour venir me reposer à la campagne. L’air est chaud, le ciel bleu. Les roses en avant de la maison sont toutes épanouies. Elles embaument divinement.

Je me suis couché sur le dos dans l’herbe pour mieux goûter la douceur et la beauté de la terre et du firmament.

Le vent agite les branches des grands liards. Le peuple innombrable des feuilles est en joie. Elles s’ébattent dans l’air lumineux. De belles feuilles vertes, glacées, luisantes, comme vernies, émaillées.

Les feuilles s’agitent sur leur longue tige.

Celle-ci est comme un cerf volant. Elle paraît se détacher de la branche qui la porte et bondir vers l’espace, mais elle est retenue, arrêtée comme par un fil invisible.

Celle-là fait élégamment la voltige comme un acrobate sur un trapèze.

Elle s’élance, plonge, se relève avec une souplesse et une grâce incomparables.

Cette autre s’agite fébrilement. Elle est toute vibrante, toute trépidante, impatiente de partir, de s’envoler.

En voici une qui danse à la corde avec frénésie.

Cette autre donne l’impression de battre de l’aile comme un oiseau blessé.

Et celle-ci est comme un bateau retenu au quai qui tire sur son amarre, la secoue, pour s’élancer sur la grande mer bleue illimitée, là-haut.