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QUAND CHANTAIT LA CIGALE

Elles sont comme une nuée de captives qui font tous les efforts possibles pour s’échapper.

Je regarde le jeu des feuilles.

Je respire le parfum des roses.

Tout mon être vibre d’une joie profonde.

Qu’il fait bon vivre !

Et tout à coup, je vois une feuille, une feuille jaunie, se détacher du rameau qui la porte. Je la vois osciller, voltiger dans l’air, portée par le vent, puis venir choir dans l’herbe, tout près de moi.

Une feuille morte. La première de l’année.

La feuille qui tout à l’heure encore, se balançait légère parmi ses compagnes, gît maintenant sur le sol.

Je reste là atterré, comme devant une catastrophe.

Là, dans la splendeur de ce jour de juillet, dans toute la gloire de l’été, pendant que les roses embaument divinement, une feuille est morte. Il faisait bon vivre. Et maintenant, l’ombre de la mort plane sur moi. La mort impitoyable qui prématurément, fauche sans trêve, tant de jeunes vies ! vies des herbes et des plantes, vies des bêtes, vies humaines.

Je me sens le cœur oppressé, serré, comme devant la petite fosse béante qui devrait recevoir le corps d’un enfant chéri.

Oh ! la tristesse de voir tomber la première feuille morte, un beau jour d’été, pendant que les roses embaument…