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QUAND CHANTAIT LA CIGALE

— Et où était elle ? demanda la femme de l’avocat.

— Imaginez-vous qu’elle était nichée entre la tige d’un artichaut et une grosse feuille.

— Vous ne devriez pas garder des mauvaises herbes comme ça ; vous devriez les couper, les arracher, déclara Mme Leriche.

Tendant le bras, elle prit sur une petite table à côté du hamac un verre d’orangeade et en but lentement une gorgée.

Mince, étroite, enveloppée de sa robe noire des dimanches, tante Eulalie se tenait debout à côté de cette matrone aux grosses jambes et aux grosses cuisses étendue dans son hamac.

Mme Leriche remonta lentement sa montre.

— J’espère qu’elle n’est pas brisée, fit-elle de nouveau.

Sur ce, elle fit un petit salut de la tête et d’un geste de la main congédia la pauvre femme qui lui avait rapporté la montre.

Alors, les jambes molles de fatigue, la gorge altérée par la soif, le dos en sueurs, sans une petite récompense, sans un mot de remerciements, sans une offre de s’asseoir ou de se rafraîchir, tante Eulalie beaucoup moins glorieuse qu’au départ reprit sous le brûlant soleil le chemin du retour.