Aller au contenu

Page:Laberge - Quand chantait la cigale, 1936.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


EFFET DE LAMPE


La petite fenêtre de la cuisine resplendit dans le soir.

Maintenant que septembre est arrivé, aussitôt que le soleil est disparu, l’obscurité se fait sur la campagne. Nous venons à peine de finir de souper que déjà, il faut allumer la lampe.

J’aime cette heure de recueillement.

Pendant que Dearest essuie sa vaisselle et met la pièce en ordre, je me promène sous les hauts liards.

Les six carreaux de l’étroite fenêtre luisent dans l’ombre.

Dans mon va-et-vient, j’aperçois la figure aimée de Dearest qui s’illumine d’un sourire lorsqu’elle lève la tête de mon côté. Une immense douceur entre en moi comme une caresse. Toute la joie de la terre m’arrive par ce rayonnement de tendresse qui émane des yeux de la femme aimée. Les cheveux qui encadrent le visage sont gris, mais celui-ci est jeune et exprime la calme beauté de la vie.

Lentement, je me promène sous les grands arbres.

Par la petite croisée que fait resplendir la lampe, je vois Dearest à sa besogne. Elle essuie les assiettes, les bols et les tasses, les met en pile sur la table, plie la nappe et les serviettes, verse dans un pot des confitures que j’apporterai demain à la ville et accroche le chapeau de Pierre qui traînait. Elle exécute ces travaux familiers d’une main rapide et sûre. J’admire l’harmonie de ses gestes et de ses mouvements. Ces humbles tâches ne lui sont pas pénibles. Elle les accomplit avec joie, pour ceux qu’elle aime.

Par l’étroite fenêtre de la cuisine, le sourire de Dearest m’illumine toute l’âme.