L’OUTARDE
SSIS dans son cabinet vitré, à l’étage supérieur de
son magasin, du magasin qu’il avait fondé, l’homme
d’affaires fumait lentement son cigare devant sa table
de travail. Il avait croisé ses mains sur son ventre et, la
tête renversée en arrière, il regardait les volutes de fumée
qui montaient et s’élevaient dans la pièce silencieuse.
Toutes sortes d’objets hétéroclites étaient dispersés ici
et là dans cette chambre. L’on voyait accroché à un clou
un costume de chef indien, là une paire d’immenses raquettes
employées dans l’extrême nord, dans un cadre noir
une grande gravure de Louis Riel, un fusil de 1837, de
vieux boulets repêchés on ne sait où, un modèle de voilier
qui paraissait d’un âge respectable, etc. On sentait là les
goûts de collectionneur d’un négociant qui a fait des sous.
L’on frappa à la porte. Humblement, un employé entra portant une vingtaine de feuilles de papier.
— Les lettres à signer, dit-il simplement en les déposant sur le bureau.
L’homme d’affaires prit sa plume. Il jetait un coup d’œil sur chaque feuille, et au bas, traçait son nom, d’une grosse et forte écriture.
Sans un mot, le commis remporta les lettres.