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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

mangé toute sa vie. Des montagnes de fleurs s’amoncelèrent dans le petit logis de Viauville. Les funérailles, la décoration de l’église, le chœur, la musique, représentaient aussi un joli denier.

— Et les voitures ! Faut des voitures ! s’exclama encore le fils aîné qui tenait décidément à honorer sa mère.

— Tu penses à tout, toi, fit Mme Lebron. Oui, bien certain qu’il faut des voitures. Mettons-en six.

— Mets-en donc dix, fit généreusement le frère. Ça fera toujours bon effet dans la rue.

Et comme c’était M. Lebron, le millionnaire, qui payait tous les comptes, il n’y eut aucune objection à la proposition.

Émile qui, dans le temps, avait été envoyé à Edmonton, avait été prévenu de la mort de sa mère. Or, comme il voyait là l’occasion de faire aux frais de son beau-frère un voyage à Montréal, il envoya sur le champ un message :

« J’étais le fils préféré de ma mère. Retardez le service jusqu’à ce que j’arrive. »

— Pour qu’il reste ici ensuite. Cela je ne le veux pas, déclara Mme Lebron.

Le vendredi, veille des funérailles, l’on songea tout-à-coup à la vieille tante Aurélie, la sœur de la défunte, qui demeurait à Hull. Elle était pauvre, très pauvre, et en trente ans, elle n’était venue que cinq fois à Montréal.

— Un peu plus et nous allions l’oublier. Nous avons tous perdu la tête, fit Mme Lebron. Et immédiatement elle fit télégraphier à la tante Aurélie en même temps que le prix de son voyage, l’invitation de venir au service de sa sœur.

Le samedi matin, pendant que le corbillard attendait à la porte, et que les enfants de la défunte se lamentaient et