Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 06.djvu/74

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ils sont gras, roses, frais, gais, superbes !… tandis que nous, les amoureux, nous sommes maigres, jaloux, craintifs, tremblants… comme des voleurs.

Hermance.

Ernest !

Ernest.

Pour eux, la table est toujours mise, ils s’y installent, ils s’y carrent ! tandis que nous, nous nous cachons dans les meubles, nous grimpons sur les gouttières… pour venir ramasser leurs miettes… quand ils veulent bien nous en laisser !… Ah ! il ne faut pas qu’ils viennent nous attendrir tant que ça ! (Il s’assied sur la petite chaise de gauche.) Et, par-dessus le marché, vôtre mari me trouve bête !… bête !… mais dévoué…

Hermance, allant vers lui.

Il n’a pas dit ça !

Ernest.

Pardon, madame à trois heures vingt-sept… ma montre va très bien. (Il la cherche dans sa poche et ne la trouve pas.) Tiens ! Ah ! elle sera restée dans ma chambre… Bête, mais dévoué !… et vous n’avez pas dit le contraire… au contraire !

Hermance, s’asseyant sur le fauteuil près d’Ernest.

Voyons… calmez-vous !… j’arrive près de vous heureuse… confiante…

Ernest, qui a fait entendre un petit grognement, se retourne doucement et se met à genoux devant Hermance.

Ce n’est pas malheureux ! Depuis deux mois, je crois que c’est la première fois que je me trouve un peu seul avec vous. (Lui prenant la taille.) Eh bien ?

Hermance.

Quoi ?…