Page:Laboulaye & Guiffrey - La propriété littéraire au XVIIIe siècle, 1859.djvu/638

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et surtout de ces grands ouvrages qu’aucun libraire n’a plus la témérité d’entreprendre. Aussi n’est-ce qu’au poids de l’or qu’on peut se procurer aujourd’hui les Ordonnances de Néron (dont il existe une copie augmentée du double , depuis longtemps prête à imprimer et qui ne peut plus l’être), le Journal du Palais, le Journal des audiences, le Coutumier général et une foule d’autres excellents livres où les hommes studieux allaient puiser des connaissances dont ils se formaient un système qui leur devenait propre : au lieu qu’on ne voit plus que ces méprisables recueils, ouvrages de copistes & tant la feuille, où pour trouver la science il suffit de savoir l’alphabet. Les ouvrages utiles, les entreprises vraiment importantes se succédaient sous l’ancien régime, sous lequel on travaillait pour recueillir, parce qu’on avait une propriété ; sous lequel on faisait bien, et avec soin, parce qu’on était sûr de vendre à un prix raisonnable. Aujourd’hui l’important est de faire vite, pour n’être pas devancé ; à bon marché et mal, pour avoir du débit. Et voilà ce qu’on appelle l’activité du commerce, qui ressemble beaucoup à l’émulation de la contrebande ou de la piraterie.

Aussi, qu’a produit cette funeste activité ? de volumineuses rapsodies dont les entrepreneurs n’ont songé qu’à grossir la masse : comme si la librairie n’avait pour objet que la plus grande consommation de papier possible ; des compilations faites sans intelligence et sans goût, où le bon et le mauvais confondus, où une loi oubliée mise à côté de celle qui est en vigueur, où des décisions contradictoires accumulées, prouvent qu’on ne s’est occupé que de copier et de copier longuement : des collections de frivolités effrayantes par le nombre des voluujes, ridicules par leur format, méprisables par leur incorrection, et qui sont tout à la fois la honte de l’imprimerie et le scandale du goût et des mœurs.

Si l’on nous opposait que, parmi cette foule de recueils nouvellement formés, il s’en trouve plusieurs qui ont eu une approbation générale et qui ont réuui les suffrages du public