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Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/17

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jurisprudence varia sur cet objet ; d’un côté l’administration accordait des continuations, de l’autre les tribunaux les proscrivaient ; on faisait des défenses générales d’en obtenir, et on laissait jouir ceux qui en avaient obtenu[1]. » Au milieu de ces fluctuations, on sentait de plus en plus la propriété des auteurs ; au dix-huitième siècle, les continuations de privilége étaient passées en droit commun ; elles étaient consacrées par les lois, mais néanmoins de manière à les laisser toujours entre les mains de la puissance royale[2]. C’était le cachet de notre ancienne monarchie, c’est celui de tous les gouvernements absolus. Le droit y est une faveur qu’il faut solliciter ; c’est aux bureaux qu’on demande humblement ce qu’ailleurs le citoyen attend de la seule justice.

L’usage de ces prolongations donna aux œuvres littéraires une valeur considérable dont les auteurs profitèrent sans doute après les libraires ; je vois, par exemple, que vers la fin du dernier siècle la propriété littéraire avait déjà une valeur considérable. Le dictionnaire latin de Boudot, livre assez médiocre, fut vendu 24,000 livres ; et à la mort du libraire Didot, un confrère acquit le Manuel lexique de Prévost, fort bon dictionnaire de la langue française, le Dictionnaire biographique de Ladvocat, et le Dictionnaire géographique de Vosgien, avec le droit de les réimprimer, moyennant 115,000 livres[3]. On voit que le privilège donnait des avantages matériels qui ne s’éloignaient pas beaucoup de ceux qu’aurait donnés la reconnaissance de la propriété.

  1. Paroles de l’avocat général Séguier, Procès-verbal, etc., p. 69.
  2. Séguier, ibid., p. 69.
  3. Troisième lettre à un ami, concernant les affaires de la librairie, p. 29. Suivant Barbier, ces lettres sont de l’abbé Pluquet et elles ont été publiées en 1777. Je n’ai vu que la seconde, qui est datée du 21 janvier 1778, et la troisième qui est datée du 6 février 1778.