et de certaines impossibilités. Ainsi, messieurs, sur la question la plus importante, la durée du droit de l’auteur, il a paru généralement, et malgré des autorités imposantes, que ce droit n’était pas assimilable à la propriété ordinaire et ne pouvait être rendu perpétuel, à moins d’être en même temps protégé par un système de substitutions et de privilèges incessibles, tout à fait contraire à l’esprit de nos lois ; qu’autrement ce droit, onéreux pour le public, deviendrait illusoire pour la famille de l’auteur, et ne servirait à la longue qu’au monopole des spéculations privées ; que, sous ce rapport, la perpétuité en matiere de propriété littéraire irait contre les intérêts les plus élevés de l’auteur, par les chances qu’elle offrirait dans l’avenir, pour restreindre et, en certains cas, pour supprimer la publicité de son ouvrage[1].
La Chambre nomma pour rapporteur M. de Lamartine. Le poëte, entrant dans une voie nouvelle, se déclara pour la pleine propriété des auteurs, et il appuya son opinion sur des raisons qui semblent dignes de la plus sérieuse attention.
Il y a des hommes qui travaillent de la main, il y a des hommes qui travaillent de l’esprit. Les résultats de ce travail sont différents, le titre du travailleur est le même… Les résultats du travail matériel, plus incontestables et plus palpables, ont frappé les premiers la pensée du législateur. Il a dit au laboureur qui avait défriché le champ : Ce champ sera à toi et après toi à tes enfants. La récompense de ton labeur te suivra dans toutes les générations qui te continuent. Ainsi a été instituée la propriété territoriale, base de la famille et, par la famille, fondement de toute société permanente. À mesure que l’état social s’est perfectionné, il a reconnu d’autres natures de propriété, et la propriété et la société se sont tellement identifiées l’une dans l’autre, qu’en parcourant le globe, le philosophe reconnaît à des signes certains, que l’absence, l’imperfection ou la décadence de la propriété chez un peuple sont partout la mesure exacte de l’absence, de l’imperfection ou de la décadence de la société.
Mais les pensées du législateur moderne se sont élargies ; il n’a pas vu seulement le travail dans les fruits matériels de la terre, il les a re-
- ↑ Exposé des motifs, p. 6.