Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier historien de Rhode-Island[1], les vrais principes de la liberté de conscience n’étaient ni connus, ni adoptés par aucune secte chrétienne. Tous les partis pensaient qu’étant seuls en possession de la vérité, ils avaient seuls le droit, dès qu’ils étaient les plus forts, d’étouffer ce qu’ils appelaient l’erreur ou l’hérésie, c’est-à-dire toute opinion qui n’était pas la leur ; c’est seulement quand ils étaient les plus faibles qu’ils demandaient la liberté de conscience. Du reste, en même temps qu’ils écrasaient leurs adversaires, tous les partis repoussaient l’idée de contraindre les consciences, chose si injuste et si absurde, si cruelle et si impie, que tous les hommes rougissent d’une pareille accusation. Le prétexte de la paix publique, la nécessité de préserver de l’infection l’Église du Christ, l’obstination des hérétiques, tels étaient les motifs allégués pour excuser et justifier une conduite que les lumières naturelles et les lois de Jésus-Christ condamnent de la façon la plus solennelle. Roger Williams et John Clark, les deux pères de la colonie, furent les premiers qui affirmèrent publiquement que Jésus-Christ est roi dans son royaume, et que personne autre n’a d’autorité sur ses sujets dans les affaires de la conscience et du salut éternel. Ce n’était donc pas chose particulière au peuple du Massachussets que de se croire obligé en conscience à tirer l’épée du magistrat pour forcer l’intelligence des hérétiques, et à chasser de l’État les infidèles pour qu’ils n’infectassent pas l’Église et ne troublassent pas la paix publique. Ce n’était pas le seul peuple qui s’imaginât servir Dieu, en écrasant ses frères. Toutes les autres sectes agissaient de même, bien convaincues qu’on ne pouvait mieux honorer Dieu, et que c’était le meilleur moyen

  1. John Callender. Je ne crois pas qu’en toute l’Europe, à la même date, on eût trouvé une déclaration de principes aussi libérale et aussi chrétienne.