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différent ; sans doute il a été violent et persécuteur au dehors ; mais au dedans, et sans s’en rendre compte, il a favorisé la raison. Chacun a vu dans la Bible, comme dans un miroir, l’image de son esprit ; chacun a lu dans le texte sacré ce que sa pensée et quelquefois sa passion y voulaient lire ; et ainsi, en face des prescriptions de l’Église anglicane qui commandaient une obéissance absolue, le puritanisme a été l’exaltation, l’enivrement de la raison individuelle.

Voici un exemple bien remarquable de cette liberté fondamentale du puritanisme. Quand se fit la première émigration, celle qui fonda New-Plymouth, Robinson, le pasteur de la petite colonie de Leyde, accompagna les pèlerins qui s’embarquaient sur la Fleur de Mai, et, comme s’il avait déjà le pressentiment que la mort l’empêcherait de les rejoindre, il leur adressa pour adieu les paroles suivantes :

Frères, nous allons bientôt nous séparer ; vivrai-je assez pour vous revoir encore sur la terre ; le Dieu du ciel est le seul qui le sache. Mais qu’il l’ait ou non permis, je vous somme devant Dieu et les anges bénis de ne point me suivre plus loin que vous ne m’avez vu suivre le Seigneur Jésus-Christ.

Si Dieu vous révèle quelque chose par un autre de ses organes, soyez aussi prêts à recevoir cette vérité que vous l’avez toujours été à accueillir celles que vous faisait connaître mon ministère, car je suis sincèrement convaincu que Dieu fera encore sortir beaucoup de vérités de