Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/500

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vinces du Nord, tandis que l’Église d’Angleterre, malgré les droits que lui reconnaît la loi, n’y est en réalité qu’une espèce de secte privée, qui peut-être ne comprend pas la dixième partie du peuple.

« Les colons ont quitté l’Angleterre quand cet esprit était dans le plus fort de son ardeur, et ces émigrants étaient de tous les sectaires les plus passionnés. Quant à ce flot d’étrangers qui s’est constamment porté vers les colonies, composé pour la plus grande part des dissidents de toute l’Europe, ils ont porté avec eux des habitudes, un caractère qui n’est rien moins qu’étranger au caractère du peuple avec lequel ils se sont mêlés.

« Je m’aperçois, à l’attitude de quelques personnes, qu’on conteste la généralité de cette observation, parce que, dans les colonies du Sud, l’Église d’Angleterre forme un corps considérable et a un établissement régulier. Cela est vrai, sans doute ; mais il y a dans ces colonies un fait qui, dans mon opinion, balance complètement cette différence, et rend l’esprit de liberté plus fier et plus hautain encore dans le Midi que dans le Nord. C’est que dans la Virginie et dans les Carolines les habitants possèdent une vaste multitude d’esclaves. Partout où règne l’esclavage, ceux qui sont libres sont de tous les hommes les plus fiers et les plus jaloux de leur liberté. La liberté n’est pas seulement pour eux une jouissance, c’est une espèce de noblesse et de privilège. La liberté leur paraît quelque chose de plus grand et de plus relevé qu’en ces pays où, commune à tous, aussi répandue, aussi générale que l’air, elle s’unit avec un travail abject, avec de grandes misères, avec tout l’extérieur de la servitude. Je n’entends point recommander la moralité de ce sentiment, qui renferme au moins autant d’orgueil que de vanité, mais je ne puis changer la nature humaine. Le fait est là ; le peuple des colonies du Sud