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de raison d’exister comme institution militaire, se transforma-t-elle en aristocratie.

Peu à peu la terre noble fut délivrée des charges militaires qui pesaient sur elle, et pour l’Angleterre cette réforme eut lieu sous Charles II ; mais le sol conserva ses privilèges, et garda la suprême influence dans l’État. Le gouvernement n’en fut pas moins un monopole entre les mains des nobles, de l’Église et des autres grands propriétaires ; le règne de l’aristocratie terrienne remplaça l’empire de la chevalerie.

Il resta donc à la société anglaise un caractère hiérarchique, qui excluait l’égalité, et au moment où se fit l’émigration d’Amérique, les privilèges de la noblesse et du clergé, la différence du bourgeois et du vilain, moins sensibles qu’autrefois, étaient cependant loin d’être effacés. Si ces distinctions ne reparurent pas en Amérique, c’est qu’elles trouvèrent sur ce sol nouveau une résistance qu’elles ne purent surmonter et dont nous chercherons plus loin les causes.

Dans la métropole, cette féodalité civile fut si peu atteinte par la révolution qu’elle y subsiste encore, bien qu’affaiblie, et c’est assurément un spectacle étrange que le peuple de l’Europe le plus libre par ses lois et son génie soit en même temps celui où l’idée de hiérarchie ait le plus de force, où l’idée d’égalité ait le moins de faveur dans l’opinion.