Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/43

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tentions du monde, vous voyez se dresser devant vous tous les gens qui meurent de faim. Aux États-Unis, on refait souvent des constitutions, et cela pendant que les travaux, les affaires marchent comme à l’ordinaire. On nomme une convention qui change tel ou tel détail de la loi ; on vote ou l’on rejette les modifications proposées, personne ne s’en émeut. Huit jours doivent suffire amplement quand il s’agit d’organiser les pouvoirs publics suivant les besoins du moment. Les besoins, les désirs de tout un peuple sont-ils jamais incertains ? Là où commence le doute commence aussi la spéculation ; vous n’êtes pas sur le terrain où doit rester le législateur.

L’erreur fondamentale de la Constituante de 1848, ç’a été de faire une seule chambre. Je ne sais à quoi sert l’expérience, et je suis tenté d’être de l’avis de celui qui prétendait que l’expérience servait rarement à celui qui l’avait faite et jamais à autrui. Pendant la première révolution, Buzot le Girondin, de sa main mourante, écrivait : « Ce n’est pas Robespierre qui me tue, c’est l’absence d’une seconde chambre. » Aussi voyez-vous qu’en l’an III on s’occupa aussitôt de faire deux chambres. Avec une assemblée unique vous avez à craindre à chaque instant qu’elle aille aussi loin que ses passions la porteront. Qu’est-ce qu’une assemblée unique ? Une assemblée qui peut faire et défaire les lois, qui peut voter aujourd’hui un impôt, demain un autre, qui peut être amenée à déclarer la guerre à une voix de majorité, suivant la fantaisie d’un député qui peut-être sera corrompu ? C’est un arbitraire sans limites. Un homme