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chose que la loi : il voit l’intérêt de la concorde et de la paix. D’ordinaire, il laisse tomber la loi et la remet ainsi à l’année suivante, de manière à ce qu’on puisse tâter l’opinion ; la chambre des représentants se renouvelant tous les deux ans, le désir du pays est bientôt connu.

Le veto du président se trouve donc marcher tout naturellement, tandis qu’en France le veto suspensif du roi Louis XVI n’a jamais pu fonctionner. Pourquoi ? parce qu’en France il n’y avait qu’une assemblée, et qu’en Amérique il y en a deux. Quand il n’y a qu’une assemblée, cette assemblée met dans la confection des lois un amour-propre d’auteur. Le chef de l’État, en usant de son droit de veto, se met en lutte avec elle, et l’opinion, si elle soutient l’assemblée, se tourne contre le chef de l’État. Mais y a-t-il deux chambres, la question est tout autre ; on se demande s’il faut troubler la paix publique pour une loi d’intérêt secondaire, et, à moins que l’opinion ne soit fort émue, on prend le temps de réfléchir et de consulter le pays.

En Angleterre, le roi a un veto absolu : il ne s’en est pas servi depuis deux siècles, et il est probable qu’il ne s’en servira plus. Quand il y a opposition entre le ministère et la chambre, le ministère renvoie la chambre devant le pays ; mais souvent aussi, pour éviter ce moyen extrême et gagner le temps de la réflexion, le ministère, s’appuyant sur la Chambre des lords, fait ajourner la loi. C’est la Chambre des lords qui prend sur elle cette responsabilité. On ménage ainsi l’opinion publique et l’autorité exécutive.