Page:Laboulaye - Locke, législateur de la Caroline.djvu/13

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sentir les défauts de la Constitution que le philosophe proposa pour la Caroline ; car Locke, comme tous les constituants qui vinrent après lui, ne fit que reproduire un modèle antérieur, et ce qu’il prenait pour le fruit de son imagination n’était qu’un souvenir ; seulement ce ne fut point l’organisation de Sparte ou de Rome qu’il essaya de reproduire, ce fut l’organisation anglaise ; ce fut un gouvernement où tous les pouvoirs reposaient sur la propriété. De ce point de vue, du reste, et comme étude philosophique de la Constitution anglaise à la fin du dix-septième siècle le projet de Locke est tout à fait digne d’attention.

Entrons donc dans le détail de cette Constitution, inspirée, suivant le préambule, par la crainte de constituer une trop nombreuse démocratie, et, en même temps, par le désir de satisfaire à l’intérêt des propriétaires et d’instituer un gouvernement agréable à la monarchie[1] Nous comparerons ensuite ce qu’inventa le génie réuni d’un politique habile et d’un grand philosophe, avec l’organisation des autres provinces d’Amérique, produit naturel des désirs et des besoins de ces planteurs, qui n’analysaient point leurs idées aussi bien que Locke pouvait le faire, mais qui sentaient infiniment mieux ce qui convenait à leur situation, et qui n’imaginaient point d’enfermer dans des combinaisons artificielles et mécaniques l’activité d’un peuple vivant[2].

Les propriétaires, comme souverains de la colonie, constituaient une corporation close de huit personnes ; leur nombre ne devait jamais augmenter ni diminuer, et après

  1. Story, Commentaries on the constitut., I, 120.
  2. N’ayant pu me procurer l’original de cette Constitution, j’ai suivi, en complétant l’un par l’autre, Bancroft, Story, Hildreth (History of the United States. New-York, 1850, t. II, P. 29 et suiv.) et les Recherches sur les États-Unis, par un citoyen de Virginie, Paris, 1788, t. I, p. 89 et suiv. Il n’y a, du reste, aucun désaccord entre ces différents auteurs.