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Page:Laboulaye - Locke, législateur de la Caroline.djvu/23

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cour d’un palatin, les manoirs d’un landgrave et d’un cacique dans cette vaste forêt qu’on nommait la Caroline, pays sans villes, sans villages, où quelques émigrants avaient dispersé leurs cabanes de bois, où l’on ne connaissait d’autres routes que le chemin d’une plantation à l’autre, chemin non point même tracé, mais indiqué par des entailles faites aux arbres, de distance en distance ? Les colons du Nord comme les colons du Sud rejetèrent unanimement cette Constitution impraticable, dans laquelle on ne tenait compte ni de leurs besoins, ni de leurs idées, ni de leurs droits. Maîtres du sol qu’ils avaient défriché et mis en valeur, ils ne voulurent d’autre gouvernement que celui qu’on leur avait offert à l’origine, un gouvernement semblable à celui des autres colonies, où toute distinction de naissance était inconnue, où chacun avait un droit égal à la terre et au vote, où toutes les affaires se traitaient par l’assemblée qui représentait la colonie. Après vingt-trois ans de luttes et de mécontentements perpétuels, les propriétaires, cédant à la demande expresse des planteurs, abrogèrent une Constitution impossible et dont l’application incomplète avait été aussi désastreuse pour eux que pour la colonie.

« Peut-être, dit l’excellent et profond jurisconsulte Story, « peut-être dans les annales du monde ne trouverait-on pas « un plus salutaire exemple de la parfaite folie de tous ces « essais, qui ont pour but d’organiser les formes d’un gouvernement suivant de pures théories ; peut-être ne trouverait-on pas une preuve plus sensible du danger de ces « lois faites sans consulter les habitudes, les mœurs, les « sentiments, les opinions du peuple qu’elles doivent régir[1]. Rien de plus judicieux que cette observation, mais bien

  1. Story, Commentaires, t. 1, p. 123