Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/11

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accréditées — platonisme, stoïcisme, épicurisme, etc. — elle le faisait parfois avec finesse, en mettant le doigt exactement au nœud de certaines contradictions. La culture d’un Origène n’était nullement inférieure à celle d’un Celse : même savoir, même dialectique, — mêmes illusions parfois. La correspondance de Jules l’Africain avec Origène à propos de l’authenticité de l’histoire de Suzanne (un des appendices du Livre de Daniel) décèle le sérieux de leur critique. Des philologues modernes ne conduiraient pas d’après d’autres principes une discussion de ce genre. Certaines déclarations malencontreuses et à demi sincères sur la vanité de la science humaine et de la « sagesse » profane purent masquer parfois ce travail rationnel, cet effort vers les hautes spéculations : il appartenait à des polémistes d’esprit aussi délié que Celse ou que Porphyre de percer ces apparences, et de ne pas représenter tout chrétien comme l’adversaire-né des méthodes positives.

Ils se trompèrent aussi, ou plutôt ils décelèrent, soit leur insuffisante clairvoyance, soit l’aveuglement de leur parti pris, en essayant à peine de comprendre l’esprit du christianisme, son âme secrète, le mystère de son emprise morale et religieuse. Ils le regardent du dehors, et ne songent guère qu’à le railler. Ils ignorent sa vie intime, sa sève spirituelle, les puissantes attaches qu’il nouait dans les sensibilités. L’empereur Julien est le seul à avoir eu quelques intuitions de ce genre, parce qu’il n’avait pu désapprendre les leçons reçues dans sa jeunesse, et rêvait de capter au bénéfice du paganisme restauré certains moyens d’action dont il avait jadis expérimenté les effets. Ni Celse, ni Porphyre ne dépassent l’écorce de la foi ennemie. Ils la