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livre, ne se contenta pas de reproduire les expressions employées par Tertullien dans le passage que j’ai cité : il s’aida, pour plus d’exactitude encore, de la lettre même de Pline — certains détails de style décèlent cette collation[1].

Combien trouverait-on de textes anciens aussi fortement garantis ?

On fait état, pour le contenu même de la lettre, d’apparentes difficultés ou de prétendues invraisemblances. Il est étrange, dit-on, que Pline, qui est un juriste, rompu aux choses du Droit, semble ignorer la législation romaine relative aux chrétiens. — Mais il ne l’ignore nullement ! Il sait fort bien que la loi frappe les chrétiens, et que ceux qui persévèrent obstinément dans cette qualité sont voués au supplice (supplicium minatus, § 3). Seulement, chargé d’appliquer la loi, il s’est trouvé en face de questions d’espèces qu’il n’a su comment trancher. Et c’est sur les détails de la procédure, sur les modalités de l’action juridique, qu’il a voulu s’éclairer auprès de Trajan lui-même, pour ne pas faire d’inutiles hécatombes. Quoi de plus naturel que de tels scrupules chez un magistrat honnête homme ?

Les autres objections ne sont pas plus valables. Nous marchons ici sur un sol parfaitement sûr[2]. Cette lettre, fortement construite et d’une belle venue, est bien sortie de la plume de Pline le Jeune. Lisons-la dans sa teneur complète[3]. Pline dut l’écrire dans les environs d’Amisus (aujourd’hui Samsoûn), au N.-O. du Pont[4].

  1. Voir sur ce point la démonstration de Harnack, dans Texte und Untersuchungen, VIII, 4 (1892), p. 25-26.
  2. Démonstration détaillée chez Linck, dans les Religionsgesch. Versuche und Vorarbeiten, XIV, 1 (1913) ; et comp. déjà E. Renan, les Évangiles, p. 476.
  3. Éd. Keil (Teubneriana), Ép. 96
  4. Cf. Wilcken, dans l’Hermès, t. 49 (1914), p. 120 et s.