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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/72

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Domitien ont voulu faire de notre doctrine un sujet d’accusation ; depuis ces princes, le mensonge des délateurs, selon une absurde coutume, a coulé contre nous. Mais tes pieux ancêtres ont réprimé leur aveuglement ; en de fréquents rescrits, ils ont blâmé ceux qui excitaient des soulèvements contre les chrétiens.

Il cite l’exemple d’Hadrien, celui d’Antonin, et conclut :

Quant à toi, qui es tout à fait dans leur manière de voir, avec encore plus d’humanité et de philosophie, nous sommes convaincus que tu feras tout ce que nous te demandons.

Tertullien rappelle à son tour comme un titre d’honneur les cruautés exercées contre les chrétiens par Néron, par Domitien « ce demi-Néron, pour la cruauté ». Et il ajoute[1] :

Mais, parmi tant de princes qui suivirent jusqu’à nos jours, de tous ceux qui s’entendaient aux choses divines et humaines, citez-en un seul qui ait fait la guerre aux chrétiens ! Nous autres, par contre, nous pouvons nommer parmi eux un protecteur des chrétiens, si l’on veut bien rechercher la lettre où Marc-Aurèle, cet empereur d’une si haute autorité, atteste que cette soif fameuse qui torturait l’armée de Germanie fut apaisée grâce à une pluie accordée aux prières de soldats qui se trouvaient par hasard chrétiens. S’il n’a pas révoqué ouvertement l’édit de persécution, il en a ouvertement annulé les effets d’une autre façon, en allant jusqu’à menacer les accusateurs d’un châtiment — et plus rigoureux encore.

Qu’est-ce donc que ces lois que, seuls, mettent en vigueur contre nous des impies, des injustes, des infâmes, des cruels, des extravagants, des fous ? Des lois que Trajan éluda en partie, en défendant de rechercher les chrétiens ; que ne fit jamais appliquer un Vespasien, le destructeur des Juifs, non plus qu’un Hadrien (bien qu’il aimât à se rendre compte de tout ce qui sortait de l’ordinaire), non plus qu’un Antonin le Pieux, non plus qu’un Verus ? Et pourtant on se serait plus volontiers attendu à ce que des scélérats fussent condamnés à l’extermination par les meilleurs princes, leurs adversaires naturels, que par ceux qui leur ressemblaient.

  1. Apol. V, 5 et s. (trad. Waltzing, retouchée).