Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/73

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Telle fut la thèse chrétienne[1] : une solidarité lie les destinées de Rome et celles du christianisme ; toutes les fois que Rome a langui sous de mauvais empereurs, le christianisme a été persécuté ; dès qu’elle s’est épanouie sous des princes justes et bienfaisants, aussitôt la paix a été rendue aux églises.

Si vifs étaient, au fond, chez les écrivains chrétiens, la ferveur de leur loyalisme, leur souci de bonne entente avec les pouvoirs publics, qu’il leur répugnait d’admettre que des empereurs, de tous aimés et estimés, eussent pu maintenir à l’égard de leurs coreligionnaires les maximes d’une politique sans justice et sans bonté.

On racontait — Tertullien fait allusion à cette histoire dans le texte ci-dessus traduit — que pendant la campagne de Marc-Aurèle contre les Quades (une peuplade du sud-est de la Germanie), alors que l’armée romaine épuisée de fatigue, dévorée d’une soif ardente, risquait de devenir une proie pour les barbares, une pluie miraculeuse, provoquée par les prières d’une légion presque entièrement chrétienne, lui avait rendu le bien-être physique et l’ardeur de vaincre. On fit même courir une lettre officielle de Marc-Aurèle (nous en possédons le texte[2]) où l’empereur rendait compte au Sénat de ce prodige, l’attribuait expressément aux prières de ses soldats chrétiens, interdisait de poursuivre désormais les chrétiens, et menaçait du bûcher leurs accusateurs.

Que l’opinion ait imputé à une intervention divine

  1. Comp. saint Justin, Apol. I, 2 ; 5 ; 55 ; 56 ; Athénagore, Suppl. 1-2 ; 37 ; Tertullien, ad Scapulam IV ; Sulpice-Sévère, Chron. II, 32, 1 ; Orose, VII, 15, 4 ; 7-11.
  2. Preuschen, Analecta, Tübingen, 1909, I, p. 24. Bibliographie dans l’article Fulminata du Dict. d’Archéol. chr. et de Liturgie.