Page:Lacasse - Trois contes sauvages, 1882.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 23 —

mon cœur n’eut pas même une émotion : ma sensibilité de mère était épuisée et je tombai dans une espèce de sommeil. Je vis mon père et ma mère mort dans le bois, je vis mon époux gelé raide mort sur le milieu d’un lac qu’il voulait traverser. Dans sa main il tenait un lièvre et une perdrix qu’il avait tués, de l’autre, son fusil, son crucifix était sur sa poitrine et sa tête penchée semblait offrir à ses lèvres de le baiser. Quelqu’un alors me secoua, je ne vis personne, mais père, je ne mens pas, quelqu’un me secoua. Je m’éveillai en sursaut. L’agonie des deux enfants qui me restaient se prolongeait encore. Je me sentis forte. Je chaussai mes raquettes. Le ciel était serein, les arbres chargés de neige ; je reconnus le chemin que j’avais vu la nuit dans ma léthargie. Je tra-