Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/58

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— Je vais porter à manger au Prince de Galles, notre futur roi qui arrive demain ; des agneaux, des volailles et deux coqs d’Inde, dont le nombre s’élève à quatre maintenant en nous comptant, ajouta-t-il en riant.

Je souris d’un air forcé, car je ne voulais pas qu’il se fit illusion sur la valeur d’un individu qui allait voir un roi.

J’arrivai à Hochelaga, où je laissai mon compagnon vendre seul ses dindons, et je pris la direction de la ville. Force me fut de marcher, car il n’y avait pas alors de trams, tenant fortement mon porte-manteau à la main, mon porte-manteau de deux pieds de long et d’un pied de large !

Entre la bourgade d’Hochelaga et la ville, il n’y avait pas de maisons. Je vis venir vers moi un vendeur de journaux qui criait à tue-tête : « La Minerve, deux sous la pièce. » Il me fait signe de m’arrêter, traverse la rue, et il me demande d’un ton suppliant : « Voulez-vous me dire, Monsieur, où je pourrais trouver un porte-manteau aussi grand que le vôtre, que je voudrais présenter demain au Prince de Galles ? » — « Il me fait beaucoup de peine de vous dire que je n’en sais rien. C’est papa qui a acheté celui-ci l’année que je suis venu au monde. » Alors mon gars d’éclater de rire et de se sauver en me décochant ce trait : « Je te prédis que tu mourras vieux,

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