Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/59

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car ça va te prendre du temps pour rendre l’esprit. »

En poursuivant ma route, je ruminais dans mon esprit ce que ce jeune homme m’avait dit, et alors seulement je commençai à penser qu’il avait voulu rire de moi. Mais, me disais-je en moi-même, comment se peut-il qu’un jeune homme élevé à Montréal traverse la rue pour le simple plaisir d’insulter un campagnard qui passe bien tranquillement son chemin, un étranger qu’il n’a jamais vu ni connu ; qui ne lui veut, qui ne lui a fait, aucun mal ? Je jugeai que ce vendeur de journaux ne devait pas avoir fait sa prière du matin.

J’arrivai à l’improviste chez ma tante. Les manifestations de joie furent réciproques. Je ne fus pas long à demander quel jour je pourrais voir le futur roi. On me déconcerta en me disant que je ne pourrais pas le voir seul à seul, que j’étais trop jeune, mais que je le verrais du haut d’une estrade sur les places publiques quand il recevrait les hommages du peuple.

Grâce à un ami qui était au courant de ses mouvements, je pus le voir trois fois, une fois surtout je pus le contempler pendant un quart d’heure. À ma grande satisfaction, je réalisai qu’il y avait peu de différence entre un air royal et l’air d’un jeune Canadien. Je trouvai, et je ne fus pas le seul, qu’il ressemblait à un jeune Aumond

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