Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


« Ah ! quel que soit son mal, respectons sa tristesse ;
Un mystère est au fond des muettes douleurs :
Est-ce amour ou dédain ? est-ce orgueil ou tendresse ?
Qu’importe ! rien n’est vrai dans l’homme que ses pleurs.

« Être inquiet, nature irascible et puissante,
L’artiste a des dégoûts à tout autre inconnus :
Molle et douce à nos pas, rude et pour lui cuisante,
L’herbe de nos sentiers fait saigner ses pieds nus.

« C’est un de ces cœurs faits de force et de faiblesse,
En eux portant l’esprit qui les doit torturer :
Un rien l’exalte, un rien le trouble, un rien le blesse ;
Ce qui nous fait sourire, hélas ! le fait pleurer.

« Lys voilé dont l’encens au vent du beau s’exhale,
Ce cœur que pour l’amour Dieu sans doute a formé,
Ouvert à l’Art, buvant sa rosée idéale,
Semble à tout autre culte être à jamais fermé.

« Et plus fervent encor, quel culte à la nature !
Tout en elle a pour lui de mystiques lueurs,
Et l’on dirait parfois, rêveuse créature,
Qu’il cause avec les vents, les ondes et les fleurs.

« Morne et désabusé, le beau pourtant l’enflamme ;
Poète, il en subit le charme sérieux,
Et, sympathique esprit, une étoile, une femme,
Réjouissent toujours sa pensée et ses yeux.