Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/146

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De l’espace et du temps parcourt l’immensité.
Ah ! quand la mort bénie aura clos ma paupière,
Mon âme libre enfin de sa prison grossière,
Dans ce fluide éther déployant son essor,
Ira se reposer sur ta planète d’or !
Là, tel qu’un exilé dont la vue attendrie
Revoit avec ivresse et larmes sa patrie,
Mais qui, des jours passés gardant le souvenir,
Songe au pays lointain qu’il apprit à bénir ;
Âme heureuse et rendue à la cité première,
Je chercherai des yeux à ta pâle lumière
La très chère planète où j’ai reçu le jour
Et la suivrai longtemps d’un long regard d’amour.
Je me rappellerai les lieux où mon enfance
Croissait libre et déjà songeuse, et sans défense ;
Où j’écoutais - soupir monotone et lointain -
La complainte du nègre et du bobre africain ;
Où le souffle clément des brises alizées
Rafraîchit de nos fleurs les urnes épuisées ;
Où l’oiseau du Bengale et les jeunes ramiers
Viennent fermer leur aile à l’ombre des palmiers ;
Où les ruisseaux suivant leur cours par les savanes
Portent leur frais murmure au seuil de nos cabanes
Je me rappellerai mon splendide soleil
Fécondant nos rochers de son rayon vermeil,
Et ces arbres dont l’ombre, abritant ma jeunesse,
Berçait de mes vingt ans l’africaine mollesse :
L’épais tamarinier où j’aimais à m’asseoir,
Et qui ferme sa feuille aux approches du soir ;