Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/149

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Que la fureur des vents en lutte avec les ondes
Soulève au loin des mers les colères profondes,
Mon cœur peut être ému, mais ce n’est point d’effroi.
Vents et flots déchaînés !… que me font les tempêtes !…
Mais cette vague, hélas ! qui rugit sur nos têtes,
M’enlève à ton beau ciel et m’éloigne de toi.

T’en souvient-il ? Assis au flanc de la colline,
Et devant nous la mer, nous rêvions tous les deux.
D’un soir de mai le souffle embaumait ta poitrine,
Mais des larmes voilaient tes yeux tristes et bleus.
Ton résigné sourire à mon regard de frère
Révélait de ton cœur l’ineffable mystère :
D’un sort cruel aussi tu subissais la loi.
À confondre nos pleurs j’ai trouvé bien des charmes.
Que m’importe aujourd’hui l’amertume des larmes !
J’ai connu la douceur de pleurer avec toi.

Pourquoi trop tard, pourquoi trop tard l’avoir connue !…
Quand apparut l’étoile en mon noir firmament,
Baignant de ses blancheurs ma route aride et nue,
D’un destin sans merci j’eus le pressentiment.
Il ne m’a point trompé… Ma lèvre dut se taire :
O lutte du devoir accepté, lutte austère,
Où mon chaste secret n’a gémi que pour moi !
Soufflez, vents de l’abîme à ma peine insensibles !…
Nous fatiguons le ciel de nos vœux impossibles !
Le ciel l’avait permis : tu n’étais plus à toi !