Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/178

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Tige, orgueil de nos champs et que la brise aimait,
Tout en elle brillait, fleurissait, embaumait.
Lys sans tache, à la vie elle venait d’éclore,
Douce comme un parfum, blonde comme une aurore !
Le soleil à ses jours mesurait les chaleurs ;
Des roses du Bengale elle avait les pâleurs.
Oh ! les fins cheveux d’or ! Les nouvelles épouses
Du bonheur de ma mère, hélas ! étaient jalouses.
Toutes lui faisaient fête et, des mains et des yeux
Caressant de son front l’ovale harmonieux,
Demandaient au Seigneur, d’une lèvre muette,
Un blond enfant semblable à cette blonde tête !
Nos Noirs, comme ils l’aimaient ! Dans leur langue de feu
Ils la disaient l’étoile et la fille de Dieu.
Naïfs, ils comparaient cette fleur des savanes
Aux fraîches visions qui hantent les cabanes :
C’était un bon génie, une âme douce aux Noirs ;
Et, lorsque du labour ils revenaient, les soirs,
Tous, ils lui rapportaient des nids et des jam-roses,
Ou le bleu papillon, amant ailé des roses.
Hélas ! que vous dirais-je encor de notre sœur ?
Elle était tout pour nous, grâce et fée, astre et fleur ;
L’ange de la maison au nimbe d’innocence ;
La tige virginale, et le palmier d’enfance
Qui, croissant avec nous sous les yeux maternels,
Mêlait à nos rameaux ses rameaux fraternels.
C’est ma nourrice aussi qui l’avait élevée :
Nous étions presque enfants d’une même couvée ;
Oiseaux à qui le ciel faisait des jours pareils,