Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/204

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Son arbre grandit solitaire,
Rien ne croît sous son dais vainqueur :
Du laurier l’ombre est délétère
A toutes les plantes du cœur.

Amante inquiète et jalouse,
Déesse et femme tour à tour,
La Muse, à l’esprit qu’elle épouse,
Demande un exclusif amour.

Dès qu’à son culte sans mélange
Un culte étranger veut s’unir,
Fière, elle ouvre ses ailes d’ange
Et part pour ne plus revenir.

Et l’esprit que son vol délaisse,
Morne, au silence condamné,
Se vêt de lierre et de tristesse,
Ainsi qu’un temple abandonné.

Veuf et rêvant au divin hôte
Dont il a reçu les adieux,
Il sent que sa voûte est trop haute
Pour qu’elle abrite de faux dieux.

La terre, où son labeur l’enchaîne,
Lui prodigue en vain tout son miel ;
Rien ne peut adoucir sa peine
Ni lui faire oublier son ciel.