Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/207

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Si Dieu, — présent funeste et triste ! -
T’illuminant d’un jour nouveau,
Du rêve étoilé de l’artiste
Embrasait ton jeune cerveau ;

Voilant les dons que Dieu te garde,
Cache à tous tes nobles penchants ;
Et, la lèvre close, sois barde
Par l’âme et non point par les chants !

Il est plus d’une voix profonde
Qui dut s’éteindre sans échos ;
Il est plus d’un cœur dont ce monde
N’a jamais connu les sanglots.

Il est, il est bien des poètes,
— Ce sont peut-être les meilleurs ! -
Qui, brisant leurs plumes muettes,
N’ont jamais écrit leurs douleurs.

Dédaigneux de se faire entendre
A des cœurs stériles ou morts,
Grands pour sentir et grands pour rendre,
Ils ont étouffé leurs accords.

Esprits qu’un souffle large anime,
Trop vrais pour un monde imposteur,
Ils n’ont point à la foule infime
Ouvert le livre de leur cœur.