Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/212

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Je n’ai point, infidèle à tes rêves splendides,
Prostitué mon âme aux passions sordides.
Vierge comme mon cœur, mon culte t’est resté.
Que veux-tu donc de moi, réponds, spectre irrité ?
Triste et fervent je t’aime, et ta voix qui me blesse,
Comme un crime punit l’erreur ou la faiblesse.
Esprit fragile, esprit fait de chair et mortel,
Pour la divinité j’ai pu prendre l’autel ;
Mais dans l’âme et les sens, dans toute la nature,
Beauté ! c’est toi que j’aime et non la créature.
Dans l’ondoîment des mers, dans la courbe des cieux,
C’est toi que suit mon vol, toi qu’implorent mes yeux.
Dans la femme ou la fleur, ce qui brille ou respire,
Être fatal et cher, c’est toi vers qui j’aspire !
La terre et l’air et l’onde aux longs embrassements,
Tout est pour moi peuplé de tes pressentiments.
Pour te trouver, vêtu de la robe homicide,
Je passerais joyeux par le bûcher d’Alcide.
Idéal ! Idéal ! pourquoi suis-je puni
De porter dans mon cœur ton désir infini ?
Pourquoi nous fuir toujours ? pourquoi railler nos chutes ?
Gémis de nos erreurs, vois en pitié nos luttes !
Prends un corps, viens sentir, fantôme trop aimé,
De quelle ardeur pour toi mon sein est consumé !
Dans un être sans tache incarne ton image !
Fais-moi don d’un cœur haut et qui mérite hommage !
Mais si, rêveur déçu, nul ne doit ici-bas
Rencontrer la Psyché vers qui s’ouvrent ses bras ;
Si je ne dois qu’au ciel voir marcher ma statue,