Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/279

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Là, j’oublie et les jours et l’homme et ses mensonges,
Mon âme à l’idéal s’ouvre avec volupté.
Là, je rêve et je vis ! la beauté de mes songes
Me voile les laideurs de la réalité.

L’âme s’aigrit et saigne au spectacle des haines
Dont ce monde, ô chanteurs ! blesse vos doux esprits ;
Mais pour les cœurs souffrants tes brises et tes chênes,
Maternelle Nature, ont des baumes sans prix !

Eh ! qu’importe ce monde ! Isolé dans ma peine,
Je suivrai jusqu’au bout mon douloureux chemin.
De doutes et d’aigreurs si ma coupe est trop pleine,
Nature ! je viendrai les verser dans ton sein.

Alors comme aujourd’hui, tu berceras, ô mère !
Sur tes herbes en fleur mes stériles dégoûts ;
Alors, pour endormir ma fiévreuse chimère,
Je n’aurai qu’à poser mon front sur tes genoux.

Alors comme aujourd’hui, dans le calme des choses
Je noierai mon esprit, je tremperai mon corps ;
Alors ton ciel clément, tes oiseaux et tes roses
M’abreuveront d’oubli, de senteurs et d’accords.

Alors comme aujourd’hui, dans ta haute harmonie,
Dans tes eaux, dans tes bois pleins de chastes pensers,
Dans ta sérénité, Nature ! sois bénie
Pour les apaisements que tu m’auras versés !