Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/281

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Qu’importe ? c’est la vie, ô puissant Prométhée !
Le monde en toi toujours ne doit voir qu’un athée.
Des tyrans de l’Olympe instrument odieux,
Que le féroce oiseau des féroces faux dieux
A te hacher les chairs, à te manger le foie,
Stupide punisseur, trouve une horrible joie ;
Que l’inepte vulgaire, au spectacle appelé,
Joyeux, batte des mains à l’égorgeur ailé,
Qu’importe ? il est des cœurs qui te peuvent comprendre :
A t’insulter jamais ils ne sauraient descendre !
Par la vie éprouvés, ils savent que les croix
Et les gibets sont faits pour les prophètes-rois,
Pour ces libérateurs qu’une tourbe stupide,
Se vengeant des bienfaits, crucifie ou lapide ;
Ils savent trop la vie, et l’homme, et son penchant
A servir, — plus servile encor qu’il n’est méchant ! -
Pour ses martyrs toujours couvant d’aveugles haines,
Toujours léchant la main qui le rive à ses chaînes !
Ils ont vu de trop près, du sceau des rois marqués,
Ces gras troupeaux des cours dans leur fange parqués,
Race aimant sa bassesse et portant enivrée
La pourpre de sa honte et l’or de sa livrée !
O misère de l’homme ! abîme qui confond !
Ils ont vu de trop près ces lâchetés sans fond,
Ces hontes dont jamais tu n’as subi l’empire,
Ils en ont trop souffert, Orgueil ! pour te maudire.

Il est des cœurs encore et des esprits altiers
Qui de la servitude abhorrent les sentiers,