Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/292

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Et l’inspiration au virginal essor
Se levait sur mon âme ainsi qu’une aube d’or.
Poète, oh ! je l’étais alors ! et mes pensées
S’épandaient dans les airs en ondes cadencées,
Et, comme un lac au fond des bois mystérieux,
Pures, réfléchissaient la pureté des cieux.
De la foi sur mes jours brillait encor l’étoile ;
Je trouvais Dieu partout sans mystère et sans voile :
Je l’entendais parler dans le bruit des roseaux,
Je l’entendais chanter dans la voix des oiseaux,
Je le sentais passer dans les larges haleines
Des brises ondoyant au sein profond des plaines ;
Je le voyais sourire et briller plus qu’ailleurs
Dans la splendeur de l’astre et la gloire des fleurs !
Et de mon âme ouverte, effusion première,
Montait ma poésie en strophes de lumière ;
Et, tel que la colombe à l’harmonieux vol,
Mon esprit sans effort se détachait du sol
Et dans les feux de l’aube, aux voûtes éternelles,
N’avait pour s’élever qu’à déployer les ailes !

Mais ces temps ne sont plus ! Sans flamme et sans accords,
Je languis désormais sous les chaînes du corps.
Mon luth n’a plus de corde où vibre l’espérance ;
Ma voix est un sanglot, mon chant, une souffrance ;
Et, comme cet arbuste aux larmes d’ambre et d’or,
A qui le fer cruel fait saigner son trésor,
Trahissant à mes flancs de secrètes morsures,
Mes vers ne coulent plus qu’à travers mes blessures !