Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/30

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Sois l’oiseau de nos bois, l’étoile de ma nuit,
Et ne donne, ô mon fils ! qu’à ta douce vallée
Les paisibles accords de ton hymne voilée.

LE FILS

Quoi ! ne livrer jamais ma voile et mes accords
Qu’au calme de ces eaux, qu’au souffle de ces bords !
N’aventurer jamais ma nef et mon courage
Dans les luttes du bien contre l’homme et l’orage !
De peur de me blesser à leurs troncs épineux,
Laisser croître et monter nos préjugés haineux !
De tant d’aveugle orgueil tolérer l’insolence !
Voir triompher le mal et garder le silence !
Voir du joug au tombeau passer l’humanité
Sans permettre à ma langue un cri de liberté,
Sans blâmer des hauteurs d’une voix mâle et grave
Le pouvoir usurpé du maître sur l’esclave !…
Ah ! contre un tel oubli de l’homme et de ses droits
Tout être, infime ou grand, peut élever la voix.
Le faible doit marcher lorsque le fort s’arrête.
Du glaive trois fois lourd, trempé pour la conquête,
Je n’ai jamais rêvé le fardeau dans mes mains.
Que l’homme au bras d’acier, aux efforts surhumains,
De son siècle hâtant la lenteur inféconde,
Pour le faire avancer brutalise le monde,
Gloire à lui ! — Le poète adoucira son chant
Pour parler au superbe et fléchir le méchant.
Pour attendrir celui que la colère enflamme,
Mouillant son vers ardent des larmes de son âme,