Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée



LE JOUR

Revois-tu dans ton âme, ô bengali, mon frère !
Le mont, le bois, la plaine au verdoyant tapis ?
Vois-tu sous les grands vents onduler la rizière ?
Sous le soleil vois-tu frissonner les épis ?

Avec l’aube laissant ton nid sous la ramée,
Te sens-tu, plein d’accords, frémir d’aise et chanter ?
Et moi, debout là-bas dans la plaine embaumée,
Pour entendre ton chant me vois-tu m’arrêter ?

Sur quelque tige molle et des brises bercée,
Oiseau suave, aux bois tu dis tes plus doux airs ;
Et moi, poète encor sans voix pour ma pensée,
Je m’instruis à ton chant dans l’art sacré des vers.

Sous les hautes forêts, près des flots, sur les cimes,
J’erre, songeur épris des couleurs et des sons ;
Au lieu de fleurs, je vais cueillant partout des rimes,
Dont un jour j’ornerai mes sereines chansons.

Alors, ô barde ami ! ma voix, humble rivale,
Pour dire aussi mon île à ta voix s’unira ;
Et, lorsqu’ils te loueront sur la terre natale,
De moi peut-être alors quelqu’un se souviendra.