Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/302

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LES TRAVAILLEURS

Mais entends-tu la cloche aux lointaines volées ?
Sous la main du planteur elle annonce le jour.
Sa voix lente, roulant dans le creux des vallées,
Remonte, appelant l’homme aux travaux du labour.

Les Noirs, à son appel, quittent les toits de chaume,
Secouant à leurs fronts un reste de sommeil.
Le firmament sourit et la savane embaume ;
Mais pour l’esclave est-il des fleurs et du soleil ?

Ils viennent ; on les compte, et le Maître gourmande ;
La glèbe aride attend leurs fécondes sueurs.
Ils s’éloignent, suivis du Chef qui les commande,
Et la plaine a reçu l’essaim des travailleurs.

Vois-tu ce Commandeur, hélas ! comme eux esclave,
Du fouet armé, debout sous l’arbre du chemin ?
Un chien est à ses pieds ; lui, sur un bloc de lave,
Il surveille pensif son noir bétail humain.

Le fer creuse et gémit ; la bande aux bras d’athlètes,
Fouille le sol brûlant sous l’astre ardent et clair ;
Parmi les blonds roseaux luisent les noires têtes ;
L’oiseau libre et joyeux passe en chantant dans l’air !