Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/306

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Ce temps n’est plus. J’ai fui les plages maternelles :
Sur leurs galets déserts, le soir, seul et songeur,
Je n’entends plus rouler ces plaintes solennelles
Qui me grandissaient l’âme et me haussaient le cœur.

J’ai vu sous d’autres cieux, insondable et sans bornes,
Se perdre devant moi ton flot illimité ;
J’ai vu sous d’autres cieux tes solitudes mornes
Emplir de leurs déserts la bleue immensité.

Miroir de l’Infini ! trône de l’Invisible !
Immaculable abîme où dort l’éternité !
Sous tous les horizons, orageuse ou paisible,
J’ai, voyageur pieux, contemplé ta beauté.

Au cap d’Adamastor où rugit la tourmente,
Sous la zone torride, aux bords de l’Équateur,
Partout ! sur ta poitrine irritée ou dormante,
Comme un fils de tes flancs, j’ai reposé sans peur.

Sans peur ! car ma jeunesse, entre tes bras bercée,
Vieil Océan ! t’aimait comme un auguste ami ;
Car sur ta grève aride a fleuri ma pensée ;
Car à tes bruits sacrés mon enfance a dormi.

Grandissant en plein ciel sur tes libres rivages,
Toi que l’homme jamais n’a souillé ni dompté,
Tu trempas mes instincts dans tes humeurs sauvages,
Tu marquas mon esprit du sceau de ta fierté !