Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/312

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Pauvre esclave, c’est toi ! Tout repose, et tu veilles :
La terre en vain sourit à son astre enchanté,
Que t’importent des nuits les tranquilles merveilles !
Les nuits, pour toi, les jours, ont perdu leur beauté.

Debout sous le palmier dont l’ombre à ses pieds traîne,
Là-bas, le voyez-vous, pensif, les yeux baissés ?
La lune brille en plein sur sa tête d’ébène :
L’esprit des souvenirs pleure dans ses pensers.

Aux rêveuses lueurs qui tombent des cieux calmes,
Les chères visions d’un passé regretté
S’éveillent : il revoit sur la terre des palmes
La cabane où jouait sa jeune liberté.

Devant ces frais tableaux si purs dans l’esclavage,
Son cœur s’ouvre : au silence il conte ses douleurs,
Et si triste est sa plainte en sa douceur sauvage,
Que l’ange de la nuit l’écoute avec des pleurs.

Chante et pleure à l’écart, pauvre enfant de l’Afrique !
Ton chant, c’est ta prière ; exilé sur ces bords,
Fais monter jusqu’à Dieu ta voix mélancolique :
Tout un monde enchaîné gémit dans tes accords.

Et nous, doux bengali, pour ce Noir, notre frère,
Chantons aussi ! Chanter, poète, c’est prier.
De ce nouveau Joseph parlons au commun Père.
Prions, ô bengali ! prions pour oublier !