Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/342

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veuille supposer le poète qui s’étudie à la reproduire, il arrive un moment où le lecteur se sent refroidi devant la solitude des tableaux qu’on lui présente. Pour s’y complaire, il a besoin bientôt d’y rencontrer celui auquel il s’intéresse avant tout, cet autre lui-même, qui donne la vie et la beauté aux objets extérieurs ; ce Moi universel et humain, principe et fin de l’art, et qui est comme la raison d’être de la création ; en un mot, il y veut rencontrer l’homme : l’homme avec son intelligence et son cœur, ses espoirs et ses défaillances, ses misères et ses vertus. La création, on l’a dit, est un temple splendide ; mais c’est un temple muet, si la voix du prêtre lui fait défaut. L’homme est ce prêtre, cet interprète, ce verbe intelligent de la nature.

Milton n’a si bien réussi à nous promener, attentifs et charmés, à travers les immortelles descriptions de son Éden que parce qu’il nous y a montré ces deux types radieux, Adam et Ève, semant partout la vie sur leurs pas, résumant en eux la force et la beauté d’un monde naissant, et qu’il a su, le poète suprême ! dans un cadre d’une magnificence sans pareille, concentrer sur ces deux têtes l’intérêt de toute l’humanité.

Dans les œuvres de l’art, comme dans la nature, l’homme doit toujours occuper la première place. Et c’est justice après tout, car l’homme, cet être intermédiaire entre le Créateur et la création, porte en soi un idéal supérieur au monde qui l’entoure. Dans