Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/347

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développement intellectuel et moral de l’homme. Quant à ce qu’on a nommé, en ces dernières années, l’art pour l’art, nous avouons n’y avoir jamais rien compris. C’est là un de ces mots vides de sens qui flottent au vent de l’école, et qui ne sauraient signifier autre chose que les jactances de l’irréflexion ou les sénilités de l’impuissance. Le temps des rimes stériles, des rimeurs désœuvrés, est passé. Au poète, comme au moraliste, à l’historien, au philosophe, le lecteur est en droit de demander une pensée qui éclaire son intelligence, un sentiment qui retrempe son âme et la soutienne dans les difficultés de la vie. L’Art veut être : pris au sérieux, surtout par ceux qui en professent le culte. Quand on le fait descendre du rôle qui lui est assigné, on compromet son caractère et sa légitime influence, on l’expose au dédain ou à l’inattention. Pour être écoutée comme elle le mérite, la poésie devra parler un langage qui inspire le respect, en s’inspirant elle-même de l’éternelle vérité humaine, — intime ou générale, religieuse ou politique, — suivant l’heure et le lieu ; elle devra se mettre, vassale divine, au service des divines aspirations de l’humanité ; se retremper sans cesse aux sources vivifiantes du juste et du vrai, y puiser sa force, son éloquence, cette vitalité qui n’est point en elle, mais qu’elle reçoit et qu’elle communique à son tour. Consolante comme l’espérance, active comme la charité, ardente comme la foi, elle a pour but de traduire et de propager par le nombre, par l’image,