Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/351

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dans notre âme, et qui, au dire du poète, n’attendent souvent, comme les oiseaux, qu’un souffle pour s’éveiller et chanter !

Après quatre-vingt-dix jours d’une pénible traversée, nous abordions enfin les côtes de cette île qui a changé de nom en changeant de domination, mais que je veux toujours désigner sous son doux nom d’Ile de France. — Ah ! que la vue de la terre est donc douce lorsqu’on a longtemps été sur la mer ! Que d’ennuis oubliés dans cette heure de joie qu’on appelle l’arrivée ! La brise tiède qui vient du rivage est chargée d’arômes ; l’air n’a plus cette saveur saline de l’océan ; le flot est comme le ciel, transparent et bleu ; on entend sur les mâts les cris de l’oiseau blanc des tropiques qui semble saluer votre venue ; on aperçoit au loin, se détachant peu à peu sur les flancs bruns des montagnes, les vertes habitations des colons ; à mesure qu’on approche tout se dessine, tout prend forme et couleur, et, lentement porté vers le port, on voit glisser, comme un changeant panorama, des rives chargées de la plus riche végétation. — Tableaux mouvants ! surprise et joie des yeux ! douces émotions de l’atterrissage ! heureux qui vous a connus ! Plus heureux encore celui qui se savait attendu sur le rivage !

Quant au voyageur que le hasard seul ou l’inquiétude de voir a poussé sur les rives de l’Ile de France, après le repos que réclament les fatigues d’une longue traversée, il se rappelle qu’il a d’abord à visiter la