Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/356

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et de maisons ; de distance en distance s’élèvent aussi de pauvres cases en paille, qu’on prendrait de loin pour des nids d’oiseaux suspendus aux saillies des rochers. C’est là que demeure une population active et industrieuse ; adonnée au jardinage, elle cultive les légumes et les fruits qui alimentent le marché du port. Cette partie de la colonie, véritable jardin potager de la ville, est l’une des plus favorisées pour la température. Abrité des vents par les montagnes, son bassin circulaire est sans cesse rafraîchi par les ondées que lui versent les nuages se dirigeant vers les cimes prochaines. Aussi les maisonnettes de ce plateau se sont-elles multipliées ; peu à peu elles sont descendues vers la plage ; aujourd’hui elles longent la grand’route et la bordent de leurs haies d’aloès. Les bananiers ont remplacé ces tamarins séculaires dont les branches touffues, les feuilles petites et serrées, versent une ombre d’une pénétrante fraîcheur. Le nègre accablé de fatigue et de soleil y déposait autrefois son fardeau et se reposait des longueurs du chemin ; il n’était pas rare aussi d’y rencontrer des marchands ambulants et des colporteurs ; sur l’herbe s’offraient à la vue du voyageur des fruits de toute espèce, et celui du cocotier a dû souvent le désaltérer de son eau légèrement acidulée. Mais, hélas ! madame, arbres et fruits, tout a disparu. Au silence d’une route solitaire a succédé l’agitation d’une sorte de rue poudreuse et champêtre ; plus d’étalages sous la ramée ! mais de pauvres boutiques où vivent dans