Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/358

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son courage, il lui disait sa vie à lui-même, vie pleine d’amertume et d’enseignements. Mais que pouvaient des paroles sur l’âme à jamais blessée du frère de Virginie ? Il est des pertes qu’on ne répare qu’en Dieu !

Après une courte station, nous nous remîmes en marche. La rapidité des chevaux, le spectacle varié de la campagne, les naïves exclamations de la belle enfant que j’avais à mes côtés, tout invitait mon esprit à de plus riantes pensées. De temps à autre passait auprès de nous quelque noir bazardier allant au port avec un panier de fruits sur la tête et un gai refrain créole aux lèvres. Le chemin s’abrégeait de mille causeries ; c’étaient des questions sans cesse renouvelées sur vous, madame ; votre sœur me demandait si vous vous plaisiez en France, si vous ne regrettiez pas la colonies ; et nous parlions de Nantes, votre ville d’adoption, de mon prochain retour en Europe, lorsque tout à coup nous vîmes sortir du milieu des arbres le clocher de l’église des Pamplemousses. Nous n’étions plus qu’à une petite distance du village ; un ruisseau nous en séparait encore. — Ce ruisseau est celui des Citronniers, où viennent les laveuses blanchir et étendre leur linge. — Nous l’avons traversé et nous montons vers le hameau ; les maisons se resserrent, le mouvement augmente : la voiture se détourne, nous voici enfin dans le village. L’église est au centre, gracieusement posée sur une vaste pelouse fermée par un rideau d’arbustes. La croix de la tour regarde le couchant ; derrière se déroulent les magnifiques ombrages