Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/362

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frissonne la libellule ; le papillon se pose sur le calice entr’ouvert des nénuphars ; c’est partout un bruissement d’ailes, un murmure de brises et d’eaux, et sur cet ensemble de jeunesse et de fraîcheur plane un came divin, le silence des chastes solitudes !

Cependant ces bosquets, solitaires pendant les six jours de la semaine, s’animent le dimanche d’un peuple de promeneurs. Ils viennent en famille oublier aux Pamplemousses les fatigues et les chaleurs de la ville. On choisit une place couverte au bord de quelque ruisseau ; on y dépose les paniers contenant les provisions de la journée, et chacun d’errer à sa fantaisie à travers les allées et les massifs d’une luxuriante végétation. Il est telle touffe de bambous qui à elle seule suffit pour abriter une nombreuse réunion : leurs tiges immenses et flexibles s’inclinent jusqu’à terre et forment des salles vertes circulaires impénétrables aux rayons du soleil. Ce beau lieu fourmille d’accidents imprévus : tantôt l’œil s’égare sur un parterre où croissent les plantes les plus rares, tantôt sous des voûtes mystérieuses qui se prolongent indéfiniment et se terminent par des nappes d’éblouissantes clartés. Je vois encore ce vaste bassin semé de distance en distance de petites îles de ravinales : des poules d’eau, au corsage bleu, allaient de l’une à l’autre et en égayaient la verdure ; c’était tout un paysage du plus charmant effet. On passerait ici bien des heures à sentir et à rêver ; mais, si bien qu’on soit dans cet Éden, il est temps d’en sortir, madame, et, si vous voulez, nous en gagnerons