Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/79

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O misère ! ô douleur ! Ce n’est pas tout encor,
Car ils nous ont légué leur appétit pour l’or :
A leur souffle glacé notre âme s’est flétrie ;
Nous n’avons plus au cœur l’amour de la patrie !
De la terre natale où dorment nos aïeux
Nous éloignons nos pas, nous détournons les yeux ;
Nous n’aspirons qu’à l’heure où gorgés de richesses,
Fuyant ces lieux, berceaux de nos pures jeunesses,
Nous pourrons dans le sein des lointaines cités
Étaler au grand jour nos sottes vanités !
Et pour voler au but où notre espoir s’attache,
Nous portons en tous lieux et la flamme et la hache ;
Et l’on ne voit partout que des champs dépouillés,
Que d’arides plateaux aux rocs noirs et pelés,
Qu’une herbe rare et jaune et des arbustes fauves
Sur les flancs décharnés de nos montagnes chauves ;
Et, courbés vers le sol, chaque jour dans son sein
Nous fouillons de la pioche et du pic assassin.
De nos champs épuisés, sans remords et sans trêve,
Notre lèvre acharnée a bu toute la sève ;
Et, desséchant ce sein qui nous a tous nourris,
Quand il n’est plus de lait dans ses vaisseaux taris,
Tout gonflés et repus du sang de notre mère,
Nous faisons voile, hélas ! vers la rive étrangère,
Et nous allons aux yeux des superbes cités
Étaler au grand jour nos sottes vanités !